Hadj-Ibrahim Khaled, le « King « , le stimulant et le détonateur de l’explosion Raï, a été le premier à avoir incorporé des synthés et une boite à rythmes dans sa musique.

Ce chanteur « énervant » ,d’extraction populaire, est né le 29 février 1960 à Sidi-El-Houari (Oran).

Contrairement à de nombreux artistes, il n’est pas issu d’une famille de musiciens , exception faite d’un oncle qui joue occasionnellement de l’accordéon. Son père modeste employé dans un garage de la police, observait même d’un œil méfiant les débuts vocaux , à l’âge de neuf ans, de son fils au cours de fêtes familiales ou de veillées entre amis.

Khaled n’était pas très attiré par l’école dont l’intérêt principal à ses yeux était l’opportunité de croiser des filles (les paroles de son premier succès  » Trig Lycée « en 1976 expliquent clairement son attitude)

Après avoir été renvoyé de l’école pour absences répétées, Khaled fait un grand nombre de  » petits boulots » tels que garçon de café ,apprenti- mécano ….

Sous la pression de ses parents,  il entreprend une formation de dactylographe, mais le cœur n’y est pas car il a les yeux de Qais (amoureux fou mythique de la poésie arabe classique) pour l’accordéon, instrument fétiche dont il joue toujours.

Comme tous les jeunes Maghrébins, Khaled  a subi les influence de divers courants musicaux.

L’Algérie, fraichement indépendante, vibre aux sons psychédéliques , pop ou  rock  venus d’Amérique et d’Europe  de Woodstock , Johnny Hallyday , et Elvis Presley  à la musique Flamenco sans oublier  le Reggae. Tout cela n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd mais Khaled avait surtout un faible pour la chanson marocaine.

Entre 1970 et 1975 Khaled dirige le groupe » Noudjoum El Khams » très influencé par le groupe marocain Nass El Ghiwan.

En deux ans, Khaled enregistre six singles, son nom commence à circuler dans les milieux de l’édition.

L’année 1978 sonne le glas du 45T vinyle au profit de la cassette, plus adaptée aux exigences du Raï .Car un magnétophone fonctionnant sur piles permet l’écoute de « paroles choquantes » hors domicile familial.

C’est à ce moment que le  » Cheb » (jeune) Khaled commence à s’intéresser sérieusement aux textes raï dont le côté surréaliste l’enchante. On lui doit d’ailleurs de beaux « cadavres exquis »    ( » Shab El  Baroud » , » La Camel »….) que n’auraient pas reniés Guillaume Apollinaire ou André Breton.

Après deux premiers enregistrements obtenus gratuitement par un éditeur au prétexte de promotion, Khaled enchaine, avec un succès qui ne s’est jamais démenti, cassette sur cassette.

Faute d’être un moyen de subsistance, le raï lui servira de pain spirituel jusque dans sa manière de vivre ; il errera de boite en boite et courra les fêtes, toutes les fêtes. Il tâtera même un peu de prison, ce qui lui inspirera « Cima El Berda » (ciment froid), un raï en zonzon.

Sa popularité grandissante éclatera au grand jour, en 1985 sur les planches du premier festival raï algérien, autorisé par les autorités débordées. Sur scène, Khaled donne la pleine mesure de son talent. Sa voix rauque (rock ?) et sensuelle transforme la ritournelle la plus banale en speed-blues accrocheur et entêtant, vrille l’espace, trace des arabesques imaginaires ; son chant met dans chaque mot toute la douleur du monde, tout le poids de l’existence.

Les femmes en transe, lisent dans son regard gourmand la promesse de toutes les libertés sexuelles qu’elles s’interdisent avec leur propre compagnon tandis que les hommes boivent le flot de ses mots, aussi verts que ceux de Bukowski et Miller réunis.

Sacré  » roi » du raï, Khaled triomphera un an plus tard en France lors des Festivals de Bobigny et de La Villette. Depuis il ne cessera de vocaliser en Europe et dans le monde entier.

Malgré sa notoriété et une certaine aisance matérielle, Khaled n’oublie pas ses racines et continue de fréquenter les petits cafés et les cabarets orientaux qui lui ont servi de refuge, de secours alimentaire, à l’époque de ses premiers pas français.

Cultivant l’amitié, aimant faire des » bœufs » , l’homme Khaled à l’éternelle bouille hilare, est demeuré simple.

Les quinze premières années de sa carrière au service du raï (1976-1991) méritaient un gros clin d’œil ; c’est fait à travers cette compilation qui rassemble ses meilleurs succès plus quelques titres un peu moins connus.

Rabah Mezouane

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