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Jamais un artiste arabe, inspiré autant par les sources orientales qu’occidentales ou latines (mambo, tango…) n’a été gratifié d’autant de qualificatifs : « Prince de la musique », « Le géant » ou « Le génie de la composition » étant ceux qui reviennent le plus souvent. Abdel Wahab est né au Caire le 13 mars 1910 au sein d’une famille modeste et religieusement rigoureuse (le père était Cheikh, chargé de la maintenance d’une mosquée de quartier). Son paternel le place à l’âge de cinq ans dans un « kouttab » (école coranique) et rêve d’en faire un imam pour faire honneur à la tradition des ancêtres. Elève brillant, le petit Mohamed aimait s’installer au milieu des fidèles de la mosquée El Chouârani pour réciter avec eux quelques versets du Coran. De temps à autre, il remplaçait même son muezzin d’oncle à l’appel de la prière, celle de l’aube dont on dit qu’il éclaircit la voix. Plus tard d’ailleurs, il aura comme projet ambitieux un ouvrage autour de la psalmodie du Livre Sacré mais les autorités religieuses mettront leur véto. Cela n’empêche pas Abdel Wahab d’écouter les chansons en vogue, celles de Salama Higazi notamment, qu’il reprenait dans quelque coin de rue en compagnie de ses petits camarades. Cela lui vaut d’être remarqué et d’être engagé pour animer, en cachette et avec la complicité de sa soeur Aïcha, les entractes dans une petite salle de théâtre. Le garnement se fait prendre par son frère aîné qui le dénonce au père qui, furieux, lui interdit toute sortie, se conformant ainsi à un préjugé longtemps tenace en terres d’Islam qui assimilait l’art à la débauche. Mais le môme, contaminé par la musique, passe outre et fugue pour se produire dans un cirque. Réconcilié finalement avec sa famille, Mohamed s’inscrit dans un Club de musique orientale où il s’initie au ‘ûd (luth arabe) sous la direction éclairée de Mohamed El Kasabji, un des futurs musiciens attitrés d’Oum Kalsoum. En même temps, il s’imprègne de musique classique occidentale et, fort de ses notions de piano et de solfège, il enregistre, à l’âge de seize ans, son premier disque chez Gramophone. Une rencontre avec Mounira Al Mahdia, la chanteuse égyptienne la plus en vue de l’époque, pour les besoins de l’opérette « Antoine et Cléôpatre », et un début de collaboration amorcé en 1925 avec Ahmed Shawqi, « L’Emir des poètes », lui assurent une rapide et confortable notoriété. Grâce à Ahmed qui tenait salon en son domicile, il entre dans le cercle fermé de l’intelligentsia égyptienne et apprend la langue française. Il effectue aussi de nombreux séjours en France, au Liban et en Syrie. Ce sera une comédie musicale, la première du genre, intitulée « La rose blanche », qui imposera avec force son nom. Le reste, jusqu’à sa disparition en mai 1991, relève du domaine de la légende. Abdel Wahab soutenait dans une de ses chansons que « l’amour de l’âme est infini, mais l’amour du corps est éphémère ». Cet homme, père de nombreux enfants issus de trois mariages officiels, aimait beaucoup et comprenait les femmes car il savait exprimer l’indicible et transcender le moindre mot par son inventivité prodigieuse. Cela explique les demandes répétées, formulées de son vivant par tout ce que le monde arabe compte comme stars. Dont Oum Kalsoum pour qui il avait composé de grands succès et qui avait repris un chef-d’oeuvre « Fakarouni », interprété auparavant par le Maître et le fameux « Enta Omri ».

Rabah Mezouane.

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